Mesures des niveaux ambiants et de l’exposition sonore (Source : rapport R681, IRSST)
par Marc-André Gaudreau (Cégep de Drummondville), Frank Sgard, Hugues Nélisse et Jérôme Boutin (IRSST)
Mise en contexte
Une gestionnaire d’un centre aquatique s’apprêtait à s’acheter des matériaux « acoustiques » sur Internet afin de remédier à un problème d’acoustique dans sa piscine. Mais, par où commencer?
Faute de spécialiste en acoustique à l’interne, comme dans la plupart des municipalités, et devant l’importance du coût demandé par le peu de consultants disponibles, on comprend la réaction de la gestionnaire de vouloir choisir elle-même ses matériaux. C’est suite à une demande de la part de cette gestionnaire, venant alors simplement nous demander notre avis sur le choix de tel ou tel matériau trouvé au gré de ses recherches, qu’est née cette étude. Le but premier de cette étude visait la détermination d’un temps de réverbération optimal pour une piscine intérieure type et de mieux connaître les risques liés aux interférences du bruit sur l’écoute et la communication.
Le temps de réverbération
Les problèmes d’acoustique se définissent souvent, et à tort, par un problème d’isolation. La problématique d’isolation acoustique est associée à des sources de bruit dont on cherche à se prémunir en interposant un obstacle entre ces dernières et l’endroit qu’on cherche à protéger (ex. : mur d’habitation mitoyen entre deux voisins, mur antibruit entre la route et les riverains, encoffrement entre la machine et le travailleur). Dans le cas des piscines intérieures, le bruit est généré à l’intérieur par les occupants et il est quasiment toujours supérieur au bruit venant de l’extérieur. Le problème n’est donc pas un problème d’isolation acoustique, mais bien un problème de qualité sonore ou de correction acoustique où on s’attache à contrôler le bruit dû aux sources internes.
On entend par temps de réverbération, le temps requis pour un son de diminuer d’un certain nombre de décibel (généralement 60 dB). Plus les matériaux d’une pièce absorbent l’énergie sonore, moins le champ sonore sera réverbérant. Pour une utilisation donnée (salle de classe, salle de spectacle, gymnase, etc.), il existe une qualité acoustique qui fera en sorte qu'une pièce aura un temps de réverbération optimal. Si l’usage de la salle est destiné à la communication, un temps de réverbération trop faible (imaginez quelqu’un s’adressant à un public sans micro sur une scène extérieure) obligera l’orateur à crier pour se faire comprendre si le récepteur est trop éloigné d’elle. D’un autre côté, si la salle possède un temps de réverbération trop grand (imaginez un prêtre qui parle dans une église), l’orateur éprouvera des difficultés à se faire comprendre (problème d’intelligibilité de la parole). Pour des salles à usage musical (salle de concert, opéra, cathédrale etc.) un temps de réverbération suffisamment élevé (mais pas trop) est nécessaire pour que la salle apporte la « plénitude » à l’auditeur.
Le temps de réverbération dépend du volume de la pièce. Plus ce dernier est grand et plus le temps de réverbération est élevé. Les matériaux recouvrant les murs et les objets présents dans la salle vont également influencer le temps de réverbération. Selon leur composition, ils pourront absorber plus ou moins d’énergie sonore et c’est ce pouvoir absorbant qui permet de réduire les réflexions et donc la réverbération.
Le volume des piscines intérieures est généralement très important. De plus, les matériaux qui constituent ces dernières sont souvent très réfléchissants (ou très peu absorbants) : béton, céramique, verre. Aussi, une grande partie de la surface est occupée par de l’eau, elle-même, très peu absorbante.
La mesure du bruit dans les piscines intérieures
Le niveau de bruit ambiant des piscines intérieures peut être très élevé, notamment lors de la présence de jeunes enfants. Si ce bruit est déplaisant pour les usagers, il peut devenir un risque pour la santé des travailleurs, qu’ils soient surveillants, moniteurs ou entraîneurs.
Le travail en milieu bruyant soulève toujours le risque de perte d’audition. Mais dans les piscines intérieures, le risque ne se limite pas seulement à cela puisque la communication y est primordiale, que ce soit pour l’enseignement, pour la diffusion de consignes de sécurité, mais aussi, entre autre, pour l’échange de messages entre surveillants en cas d’accident. En plus de l’audition, la voix est mise à rude épreuve. Bien qu’aucune étude scientifique prouvant le lien entre des lésions aux cordes vocales et les cris répétés n’ait été publiée à notre connaissance, les extinctions de voix sont très fréquentes parmi les entraîneurs de natation et des cas de nodules aux cordes vocales nous ont été mentionnés.
Bien que les risques liés à l’interférence du bruit sur l’écoute et la communication soient le centre de la problématique qui fait consensus parmi les acteurs du milieu aquatique (APSAM, Croix-Rouge, Société de Sauvetage, ARAQ), une série sommaire de mesures financée par l’IRSST, a été réalisée dans le but de répondre à une autre question qui concerne tous les travailleurs, à savoir le niveau d’exposition au bruit des travailleurs de piscines. En tout, 11 sujets, dans 5 piscines différentes ont été évalués dans leurs fonctions. Les postes évalués étaient : surveillants de bain libre, surveillants de cours de natation et entraîneurs de clubs de compétition.
Les niveaux de bruit ainsi que les niveaux d’exposition mesurés montrent que si les travailleurs de piscine avaient à travailler des quarts de travail de 8 heures, pour plusieurs d’entre eux (4 sur 11) la valeur réglementaire d’exposition fixée, au Québec, à 90 dB(A) serait dépassée. Heureusement, aucun de ces travailleurs n’avait à travailler suffisamment longtemps pour que sa dose réelle ne dépasse 100 %. Par contre, si les normes européennes étaient utilisées (85 dB(A) sur 8 heures), certains travailleurs (3 sur 11) auraient dépassé, durant le temps d’échantillonnage, leur dose quotidienne permise. Rappelons ici que la norme québécoise sur l’exposition des travailleurs au bruit est moins sévère qu’ailleurs dans monde.
Un résultat important de ces mesures aura été de réaliser à quel point les travailleurs des piscines intérieures qui ont besoin de communiquer doivent élever leur voix souvent à des niveaux très élevés. Ainsi, les résultats obtenus montrent que lorsque le niveau de bruit ambiant est élevé (niveau supérieur à 90 dB(A)), ce qui a été le cas dans 3 des 5 piscines visitées, les postes de travail nécessitant l’usage de la parole obligent les travailleurs à pousser leur voix à des niveaux acoustiques de plus de 100 dB(A).
Bien que de portée limitée, les résultats de cette étude permettent de quantifier le risque relié au bruit dans les piscines. En prenant conscience du problème, il sera plus facile de prioriser les efforts afin d’améliorer l’acoustique des piscines, réduisant ainsi le risque pour l’audition. Outre les risques pour l’audition, l’étude aura aussi permis de mettre en lumière les risques liés aux interférences du bruit sur l’écoute et la communication. Ce volet d’étude n’étant pas ou peu documenté, il serait souhaitable que des recherches additionnelles soient tenues, particulièrement sur l’influence sur la santé du travailleur qui doit quotidiennement fournir l’effort vocal requis pour communiquer efficacement dans un bruit intense et réverbérant.
Notons que la Société de Sauvetage et la Croix-Rouge comptent plus de 18 000 membres actifs, pour la grande majorité, des jeunes de 15 à 25 ans. Ce sont eux qui travaillent dans les quelques 850 piscines intérieures du Québec (publiques ou du secteur touristique), soit comme préposé à la surveillance, soit comme moniteur.