En matière de santé et sécurité du travail (SST), le Code criminel (art. 22.1) prévoit qu’une organisation peut être reconnue criminellement responsable si l’un de ses agents adopte une conduite négligente dans le cadre de ses fonctions et qu’un cadre supérieur omet de faire preuve de diligence raisonnable afin d’empêcher une telle conduite.
Le 3 décembre 2019, le tribunal a imposé à une entreprise québécoise une amende record à la suite d’un accident ayant coûté la vie à l’un de ses employés.
Les faits
Un accident de la route dans lequel un camionneur d’expérience a perdu la vie est à l’origine de cette décision. Le camion dans lequel se trouvait ce dernier a dérapé alors qu’il descendait un abrupt chemin forestier pour terminer sa course dans le fossé au pied de la pente. Le camionneur fut éjecté de sa cabine et est décédé sur les lieux de l’accident.
Or, il s’avère que ce camionneur s’était plaint à plusieurs reprises de l’état de ce véhicule. L’état mécanique du camion était d’ailleurs au cœur des accusations. En effet, quatorze défectuosités majeures, toutes reliées au système de freinage, ont été dénombrées.
Le verdict de culpabilité
L’entreprise a été reconnue coupable d’avoir causé la mort du travailleur par sa négligence criminelle. La juge a conclu que les dirigeants ont laissé circuler le véhicule lourd alors qu’ils le savaient « dans un état lamentable » et ont fait preuve « d’indifférence et de détachement » face au danger.
Plus précisément, la juge est d’avis que les défectuosités mécaniques préexistantes à l’accident « résultent clairement d’une omission d’assurer un entretien convenable » et constituent un manquement au devoir légal de s’assurer qu’un véhicule peut être utilisé sans risque de mettre en péril la sécurité d’autrui (art. 217.1 C.cr.) ainsi qu’à celui de fournir un matériel sécuritaire et en bon état (art. 51(7) LSST).
Il est à noter que l’entreprise accusée a porté ce verdict de culpabilité en appel.
La peine
L’entreprise québécoise vient de se voir imposer une amende record de 300 000 $ avec une suramende compensatoire de 15 % du montant, pour un total de 345 000 $. Cette amende est d’ailleurs accompagnée d’une mesure exceptionnelle : pour une période de trois ans, l’entreprise devra notamment embaucher un consultant externe pour évaluer la situation et proposer des correctifs, et ce, annuellement.
La juge rappelle que l’infraction commise « n’est pas le résultat d’une erreur de jugement », mais est plutôt le reflet d’une culture en SST qui se caractérise par de l’indifférence et de l’insouciance. L’avantage financier dont a su tirer profit l’entreprise, ses antécédents en matière d’infractions réglementaires et son risque de récidive sont également des facteurs aggravants aux yeux de la juge.
Cette dernière retient également que le comportement adopté par les différents acteurs de l’entreprise « a porté atteinte aux valeurs de notre société et notamment celles entourant la santé et la sécurité du travail » et que cette peine doit « envoyer un message clair ». Cette peine répond ainsi à deux objectifs : dénoncer et dissuader.
L’APSAM rappelle l’importance de connaître et de respecter ses obligations en matière de SST
Il est primordial de bien connaître et comprendre ses obligations considérant notamment le caractère d’ordre public accordé à la Loi sur la santé et la sécurité du travail. À ce sujet, nous vous conseillons de consulter la page Droits et obligations.
Cette connaissance permet de départager les rôles et les responsabilités des différents acteurs et favoriser une gestion de la SST efficace et proactive en priorisant l’identification, le contrôle et l’élimination des risques présents dans un milieu de travail.
Nous vous invitons également à consulter les pages Sécurité routière et Véhicules lourds.
Il importe de faire preuve en tout temps de diligence raisonnable.
La diligence raisonnable implique de prendre toutes les précautions qu’une personne prudente et diligente aurait prises dans les circonstances afin de protéger la santé et la sécurité d’autrui en milieu de travail. Elle réfère aux devoirs de prévoyance, d’efficacité et d’autorité. La notion de diligence raisonnable ainsi que les trois devoirs sont expliqués à la page Diligence raisonnable.
Enfin, retenez qu’aucune organisation n’est à l’abri d’une telle poursuite si elle omet de protéger la santé et la sécurité de ses travailleurs.
Jugement sur la culpabilité : R. c. CFG Construction inc., 2019 QCCQ 1244
Jugement sur la peine : R. c. CFG Construction inc., 2019 QCCQ 7449