Il incombe à toute personne ayant des responsabilités en matière de santé et sécurité au travail (SST) de faire preuve de diligence raisonnable. Cette notion a été circonscrite par la Cour suprême du Canada dans la décision R. c. Sault Ste-Marie, [1978] 2 RCS 1299. La diligence raisonnable implique de prendre toutes les précautions qu’une personne prudente et diligente aurait prises dans les circonstances afin de protéger la santé et la sécurité d’autrui en milieu de travail.
La diligence raisonnable rend chaque acteur imputable des comportements qu’il adopte. En matière d’infractions réglementaires, les éléments de la diligence raisonnable constituent « les armes de la poursuite et le bouclier de la défense » (art. 239, Loi sur la santé et la sécurité du travail [LSST]) alors qu’en matière d’infractions criminelles, la preuve de ces éléments pourra soulever le doute raisonnable nécessaire pour être disculpé.
La diligence raisonnable n’exige pas la recherche de la perfection puisqu’il s’agit d’une obligation de moyens et non de résultats. Cette obligation repose sur trois devoirs soit de prévoyance, d’efficacité et d’autorité. Voici une description de chacun de ceux-ci.
Le devoir de prévoyance consiste à identifier et à contrôler les risques reliés au travail en tenant compte qu’une erreur humaine est susceptible d’être commise. Pour ce faire, l’employeur doit notamment :
- Examiner les gestes posés par les travailleurs dans le cadre de leur travail et déterminer les risques qui en découlent :
- il est recommandé, entre autres, d’effectuer de l’observation et de l’analyse sécuritaire des tâches.
- Développer des moyens pour réduire ces risques et voir à leur mise en application.
- S’assurer que ses employés détiennent les compétences et les informations nécessaires pour effectuer chacune des tâches qui leur sont demandées :
- il est recommandé de sonder les besoins des travailleurs en matière de formation et de recueillir leur suggestion à cet égard.
- Considérer, dans son analyse, la fatigue et les erreurs de jugement qui peuvent entraîner des situations dangereuses.
- Éviter de se fier uniquement à l’expérience de ses employés.
Incidemment, chaque tâche nécessite d’être analysée, qu’elle soit ponctuelle ou fréquente, simple ou complexe.
Le devoir d’efficacité impose à l’employeur de prendre des mesures concrètes pour éliminer ou contrôler les risques ainsi que de former adéquatement les travailleurs sur les méthodes sécuritaires de travail. Pour ce faire, l’employeur doit notamment :
- Dispenser aux employés une formation adéquate qui tient compte de la nature des risques auxquels ils sont exposés :
- il est recommandé de tenir un registre de ces formations.
- S’assurer que les employés possèdent les équipements sécuritaires nécessaires et qu’ils sont en bon état :
- il est recommandé d’avoir un programme d’entretien préventif.
- Sensibiliser celui qui supervise le travail sur les questions de sécurité et sur l’importance de faire respecter ces règles :
- il est recommandé d’offrir à ceux qui sont appelés à superviser le travail une formation en matière de droits et obligations en SST.
- Élaborer un programme de prévention, l’enseigner et le mettre en application :
- il est recommandé de tenir des rencontres d’information et d’afficher le programme de prévention.
Le seul fait d’encourager les employés à travailler de manière sécuritaire est nettement insuffisant.
En somme, un système efficace comprend :
- des directives claires de l’employeur,
- des procédures et des méthodes de travail sécuritaires et leurs explications,
- des procédures de communication,
- de l’entraînement et de la supervision des employés et des superviseurs et
- l’évaluation périodique du système en entier.
Le devoir d’autorité implique que l’employeur fasse preuve d’intolérance face aux conduites dangereuses adoptées par ses employés. Pour ce faire, l’employeur doit notamment :
- Exercer une surveillance et s’assurer qu’une personne en autorité soit présente sur les lieux de travail.
- Imposer des sanctions en cas de non-respect des normes et des directives en matière de SST :
- il est recommandé de documenter toutes les mesures disciplinaires qui ont été émises suite au non-respect de ces règles.
- Faire preuve d’exemplarité.
L’indulgence est mal perçue par les tribunaux en matière de SST. De manière générale, le défaut de respecter son devoir d’autorité est souvent celui qui fait échec à la défense de diligence raisonnable.
Il importe de garder en sa possession toute la documentation relative aux mesures que vous mettez en place afin d’agir avec diligence raisonnable (ex. : rapports, registres, procédures). En cas de litige, cette documentation sera un précieux allié.
- Diligence raisonnable (MultiPrévention)
En plus de définir ce qu’est la diligence raisonnable, cette fiche contient une liste de documents à conserver pour soutenir une éventuelle défense de diligence raisonnable. - Due diligence checklist (Infrastructure Health & Safety Association)
Sous forme de liste de contrôle (checklist), ce document anglophone permet à un employeur de faire une auto-évaluation quant aux mesures inhérentes à la diligence raisonnable qui sont mises en œuvre ou non dans son organisation. Il est à noter que ce document est élaboré selon les lois ontariennes. - La diligence raisonnable (CNESST, Prévention au travail, printemps 2013, p. 15)
Cet article contextualise la diligence raisonnable. Son auteur précise certains comportements à adopter pour chacun des trois devoirs : prévoyance, efficacité et autorité. - Le devoir de diligence raisonnable ou comment passer de la théorie à la pratique (Ordre des conseillers en ressources humaines agréés)
Cet article énumère les cinq grands principes de la diligence raisonnable tels qu’établis par les tribunaux. Il propose aussi différentes recommandations sur les éléments de diligence raisonnable à instaurer dans votre organisation. La réussite d’une saine gestion de la SST est aussi abordée. - L’exercice du pouvoir disciplinaire de l’employeur en matière de lésions professionnelles et de santé et sécurité du travail (Barreau du Québec – Service de formation continue)
La section 3.3 de cet article est intéressante en ce qu’elle présente une panoplie de situations où les tribunaux ont avalisé en totalité ou en partie les sanctions disciplinaires imposées en raison du non-respect d’une règle de sécurité (méthodes de travail dangereuses, non-respect de la procédure de cadenassage, comportements non sécuritaires, port des ÉPI [équipements de protection individuels], etc.) - Quand l’accident de travail devient un crime : C-21, la terreur des conseils d’administration (Barreau du Québec – Service de formation continue)
Cet article traite des infractions criminelles en matière de SST. À la section D est définie la diligence raisonnable dans le contexte d’une infraction criminelle.
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La prise en charge en santé et sécurité du travail dans une organisation est une responsabilité partagée. Le cadre législatif établi par la Loi sur la santé et la sécurité (LSST) et par ses…